Tours en bois : la part du béton

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Autant les ouvrages français de moyenne hauteur font largement appel à l'acier en complément du bois, autant le béton reste une constante, du moins dans cette décennie, pour la réalisation de tour en bois de grande hauteur. Dans ce contexte, il ne faut pas s'attendre à ce que la trentaine de projets français actuels de tours en bois de moyenne hauteur fassent exception au contexte technique international. 

A deux semaines du congrès bordelais Woodrise, un regard sur les grands projets internationaux de tours en bois fait apparaître que le béton reste un composant quasiment incontournable et complémentaire, non seulement pour les fondations ou les tous premiers niveaux, mais également en superstructure. 

Jusqu'à la tour de Melbourne, soit les tours en bois de près de dix étages, les réalisations se comptaient sur les doigts d'une main et reposaient sur le principe de l'utilisation systématique de panneaux CLT. On a changé de braquet d'abord avec la tour Treet de Bergen, qui se démarquait sur le plan technologique par la combinaison de BLC et d'éléments modulaires, montant ainsi à 14 étages. Il a fallu accepter cependant des contreventements massifs, disgracieux et parfois mal venus dans l'espace de vie intérieur des logements pourtant présentés comme luxueux. Mais ce n'est pas tout. Comme le projet faisait face à des problèmes de vibration causés par le vent, la tour a dû être lestée par des éléments en béton au 5e et au 10e étage. 

Le record actuel est détenu depuis juillet (date de livraison) par le bâtiment Brock Commons de Vancouver, qui porte largement en pratique la griffe de Hermann Kaufmann. Un ouvrage d'une fruste élégance, et un condensé de savoir-faire unique, qui conduit à combiner des planchers CLT et des poteaux en BLC, avec des façades en bois préfabriquées. A noter cependant que le socle, niveau 1 inclu, est en béton. Et le béton a également été choisi pour les deux noyaux de desserte. L'argumentation de Kaufmann est intéressante. L'architecte a sagement préféré opter pour le béton plutôt que de mettre en péril les délais de livraison, compte tenu du temps requis pour l'approbation technique d'une solution tout bois. Selon Kaufmann, les tours en bois en sont encore à leur débuts et la somme de petites évolutions génèrera dans un second temps de grands bonds.

Le grand bond est attendu à Vienne, patrie de Kaufmann, avec la tour HoHo en principe livrable fin 2018 et culminant à 84 mètres. Mais là encore, la part du bois est estimée à 75%, ce qui est énorme, certes, mais le béton n'est pas évacué de la superstructure, il est présent dans les planchers mixtes et à nouveau pour les gaines d'accès. 

Si HoHo, dont les travaux de montage proprement dit doivent commencer le mois prochain, prenait du retard, il se pourrait que le ruban bleu un peu biaisé de la plus haute tour en bois soit momentanément décroché par le tour suédoise Mjosa de Brumunddal, à condition que sa livraison se fasse comme prévu en mars 2019. A l'oeuvre, on retrouve l'architecte de Treet, Rune Abrahamsen. Mais l'approche technique est cette fois bien différente, à croire que Treet restera une parenthèse. On montera à "nettement plus de 80 m" et 18 étages, avec du CLT, BLC et du Kerto-Q pour les planchers. Pas de béton pour les niveaux de 1 à 11, avec une gaine d'ascenseur en CLT. Les plnchers seront une combinaison de BLC 48x360mm avec des poutres Kerto-Q de 63x360 mm et 75x360mm, associés à des panneaux de 33 mm en Kerto-Q LVL. La solution a été conçue pour permettre des trémies. Il faut dire que le site de production du Kerto est tout proche et que cela va faciliter ce qui prend tout de même la forme d'une grande expérimentation. Du 12e au 18e étage, des éléments en béton vont lester le plancher, les Suédois tirant partie de l'expérience de Bergen. Sans oublier les chapes ciment de 5 cm qui couvrent les planchers Kerto sur toute la hauteur du bâtiment. 

Il est intéressant de remarquer dans ce contexte une autre variante prochaine et suédoise, la tour Vasteras montant à 22 étages, une tour mixte qui sera en fait, avec la tour de Shigeru Ban à Vancouver, la plus grande surélévation bois du monde. Car les sept derniers étages seront en bois, sur un socle de 15 étages en béton. 

A l'heure du congrès Woodrise, force est de constater qu'il se passe quelque chose mondialement sur le plan de la technique de construction de tours, certes de façon tout à fait marginale mais au moins passionnante sur le plan intellectuel. Que le béton soit en superstructure un apport incontournable à hauteur de 25, 20, 10%, cela n'enlève rien à la performance novatrice. Cependant, l'intérêt des tours en bois ne vient pas tant de l'objectif de réaliser des tours "tout en bois", mais de changer la donne en termes de tours du futur pour les alléger en béton, incorporer de façon intelligente l'acier et surtout le bois sous toutes ses formes actuelles, CLT, BLC, LVL... Et si le quartier de La Défense ne veut pas faire grise mine, il serait bon d'envisager que la prochaine tour soit précisément mixte. Ce n'est pas une question de mode mais de gestion durable des ressources comme le sable et les granulats, sans parler du bilan CO2. 

Mais il y a aussi un autre enjeu : si les bois d'ingénierie réussissent à prendre leur part dans la construction multi-étage courante, en France et ailleurs, cela créera un appel d'air pour la création d'un vraie filière française de construction bois. Car le CLT et le BLC en bois local ne peut prendre suffisamment appui sur le marché individuel et la commande publique (écoles). Seulement, on est mal tombé car justement, en France, les majors ont mis au point parmi les meilleures techniques du monde en termes de construction en hauteur banchée et pompée. Va-t-on réussir à mixer les techniques, combiner un noyau béton banché monté très rapidement avec des plateaux et des façades sans béton ? Gageons que ces questions ont toute leur place dans le cadre du congrès Woodrise, à Bordeaux où ailleurs dans le monde pour les éditions successives. 

image : synthèse de la tour Mjosa (crédit : Metsäwood)

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