Les Ateliers Médicis : Cruard à la manoeuvre

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Dans la poursuite de la collaboration engagée autour du Pavillon Circulaire installé sur le parvis de l'Hôtel de ville à Paris, dans le cadre de la COP21, Cruard Charpente a bien relevé le défi de l'opération en conception-réalisation des Ateliers Médicis de Clichy sous Bois Montfermeil, qui viennent d'être ouverts au public, et dont le maître d'oeuvre est l'agence Encore Heureux. Retour sur un chantier hors norme.

Cruard Charpente fait partie du chapelet de constructeurs bois qui dominent ce marché en Ile de France, et qui ont souffert ces dernières années de la crise. Quand Encore Heureux a voulu construire son Pavillon Circulaire à partir de matériaux de récupération, encore heureux que c'était à ce point la crise, en 2015, car dans les beaux jours, peut-être que ce mouton à cinq pattes n'aurait pas trouvé de charpentier. Cette première opération s'est bien passée et quand Encore Heureux a décroché le projet de bâtiment éphémère à Clichy sous Bois en banlieue parisienne, début 2017, les choses allaient déjà un peu mieux mais pas au point de refuser les moutons à cinq pattes. 

Premièrement, il s'agissait de construire en un an un bâtiment en bois à vocation inhabituelle, bureaux, lieux de travail, ateliers, scène, sur une parcelle étroite en limite de zone Natura 2000 à cause du passage de la Dhuys, une rivière canalisée sous le second empire pour approvisionner Paris en eau potable. En principe, l'ouvrage est provisoire, 8 ans, donc confronté à la question de sa démontabilité. S'ajoute une organisation en conception-réalisation, Encore Heureux mandataire avant les travaux (Cruard co-mandataire), puis inversement en phase travaux. Une enveloppe de 2,3 millions d'euros dont 900 000 euros pour le clos-couvert assuré directement par Cruard par ailleurs en situation d'entreprise générale pour les autres lots. Un quartier sensible qui va demander notamment une surveillance le week end. Une réalisation sous le feu des projecteurs puisque Encore Heureux est nommé à l'automne 2017 commissaire du pavillon français de la Biennale d'architecture de Venise, en cours, et que les Ateliers sont l'une des dix opérations que l'agence met en exergue sous le thème de Lieu infini. 

Selon Thomas Brebion, conducteur de travaux de Cruard Charpente sur cette opération, l'interaction a été bonne et elle a permis d'optimiser le projet. Dès le permis de construire, l'option d'un ouvrage pérenne a été prise en compte. Cruard a bien proposé des solutions démontables mais le choix s'est finalement porté sur un aménagement durable. Il fallait, pour durer, ne pas impacter du tout la Dhuys qui longe la parcelle, donc par exemple ne pas y rejeter des eaux pluviales. Par ailleurs, comme la Dhuys est une promenade verte, le bâtiment est exposé et ça n'a pas loupé, depuis l'ouverture au public le 7 juin, on compte déjà deux vitres cassées et un bardage tagué. Pas étonnant quand on lit dans le catalogue français de la Biennale les évocations de violences auxquelles un autre projet-phare, le bâtiment 6B de St Denis avec Julien Beller, a dû faire face. On a en fait deux option en banlieue sensible, faire de l'architecture brutaliste ou de l'architecture douce qui s'expose à la brutalité en espérant qu'elle sera passagère. D'autant que juste à côté, il y a un terrain vague qui devait accueillir une mosquée, mais il semble que l'association n'a pas réussi à trouver les fonds pour la construire. En tout cas, en ce qui concerne le lieu futur des Ateliers Médicis à Clichy sous Bois, à 200 m en suivant la promenade de la Dhuys, l'histoire ne fait que commencer.

Pour ce qui est du bâtiment provisoire, voici les éléments de conception. La dalle est en béton sur longrines à cause notamment de la flexibilité d'usage de l'atelier-scène du rez-de-chaussée, d'ailleurs pas soumis à la RT 2012. De grosses poutres en lamellé le surplombent et supportent deux étages de bureaux plus un attique, la descente de charge se faisant latéralement. La façade est en éléments à ossature bois isolés dans l'âme et bardés de la référence Igni B de PiveteauBois. La structure est largement en douglas, notamment les éléments de charpente apparents. Les planchers intermédiaires sont en solives BLC, dans le cadre d'un complexe qui a fait l'objet d'une étude acoustique : chape sèche Fermacell, solives, plafond suspendu en plaques de plâtre. La salle d'exposition de l'attique repose sur un plancher en CLT, seule solution qualifiée et sous avis technique face au problème de l'évacuation côté rue des eaux pluviales. L'eau de pluie drainée par la toile Ferrari qui est ficelée sur la charpente est redirigée sur l'étanchéité au-dessus des panneaux CLT et s'écoule par pente naturelle vers l'autre façade. Même les garde-corps sont inclinés de façon à diriger la pluie vers l'intérieur. Autant dire que l'étanchéité de l'ensemble doit être maîtrisée. 

Le point le plus délicat n'était pas l'ascenseur Sodimas dans sa cage en CLT, mais la cage d'escalier en bois. La chose est délicate en ERP, car il est stipulé qu'il ne faut pas que la paroi soit en matériau combustible. Il a fallu s'en remettre à l'avis de la commission de sécurité, étude CSTB à l'appui, et préconisé un double parement de BA18, en soi CF 1h, le tout sur plaque Fermacell. Au moins, si on veut reproduire les Ateliers dans d'autres quartiers dits sensibles, il y a aura un précédent. 

L'interaction entre le charpentier et l'architecte a donné un bâtiment économique mais auquel la charpente en toile Ferrari et l'agrément de cette terrasse donne un cachet certain, ainsi que la belle entrée habillée de tôle rouge. Gageons que les petites dégradations sont un baptême, tout dépendra de la façon dont le lieu prendra ses racines dans ce quartier en mutation avec l'arrivée du tramway, puis du Grand Paris Express. On ne peut pas dire que le quartier n'est pas habitué au bois, vu de la terrasse, la maçonnerie domine, évidemment, y compris pour la tour de logements sociaux juste à côté. Mais en face, un hôtel d'entreprise élégamment conçu est doté d'un bardage bois nickel, comme neuf. Et un peu plus loin, il y a un ensemble entièrement bardé de bois, sujet il est vai à des effets de vieillissement inégal qui irrite apparemment la municipalité. en la matière, Clichy sous Bois n'est pas bien différent de Lyon ou Bordeaux. Le bardage Igni B de Piveteau, imprégné autoclave, devrait par contre tenir la route. Et son aspect va bien avec la promenade de la Dhuys en bordure de ce qui reste de la forêt de Bondy ci-nommée à cause de ses bandits. 

L'opération était prévue sur un an, permis de construire compris, donc avec un délai très court. Mais elle a été retardée par le Ramadan, les questions relatives à la cage d'escalier. Le clos-couvert devait être achevé en octobre 2017 mais à cause du décalage, le montage est tombé dans la pire période hivernale, sans laisser de traces apparentes. Pour le coup, l'ouverture au public qui accompagne la mise en service tombe au meilleur moment, et juste après l'inauguration de la Biennale. Un tag ou une vitre brisée, c'est aussi sans doute un élément de langage face aux questions qui restent en suspens dans ce quartier, une douzaine d'années après le soulèvement de 2005.  

légendes :

-Ouverture au public le 7 et jusqu'à l'inauguration vers la St Jean ou après le Ramadan, beau temps, fanions, le ministère de la Culture accueille la presse.

-Vue de la terrasse : à droite, parc d'activités artisanales avec un bardage bois de bonne tenue et non tagué ; au milieu, terrain vague destiné en principe à une mosquée ; au fond, immeubles relativement nouveaux bardés de bois.

-Vue de la terrasse sur le terrain qui devrait accueillir les Ateliers définitifs en 2023.

-Première journée d'ouverture, clôturée par une première d'une pièce crée pour l'occasion, intitulée Construire, comme quoi les planches se prêtent aux planches sur ce sujet.

-Toile Ferrari ficelée sur la charpente en douglas, l'ensemble capotant une salle d'exposition placée en retrait sur la terrasse. 

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